vendredi 1 février 2008

II- Rapport au savoir et rapport à la scolarisation

1. Culture orale, savoir pratique et savoir identitaire

La société tsigane est une société de culture orale. C'est donc une société qui diffère de la nôtre, où l'apparition de l’écriture est un fait de civilisation tout à fait fondamental.

Quand ils s’expriment, quand ils racontent des histoires, ces histoires sont des histoires où l’on trouve des éléments légendaires, où l’imaginaire occupe une place importante. Mais il y a aussi des choses tout à fait curieuses. D’abord, celui qui raconte fait passer dans ce qu’il raconte des éléments de son existence, de son identité. Il parle à des gens qui ont une identité proche de la sienne parce que ce sont des membres de sa famille. Il évoque donc l’identité collective. Dans ce qu’il dit, il dit des choses qui sont essentielles pour tous les Tsiganes, qu’ils soient en situation de précarité ou non. Il y a des éléments qui portent sur leur société, qui confortent leur vision des choses. Le savoir qui est utile pour le Tsigane, c’est un savoir qui lui permet de se situer dans sa famille et de se situer par rapport à la société. Pendant des siècles, ce qui était utile pour le jeune Tsigane, c’était de savoir faire comme son père pour se débrouiller. C’était donc un savoir pratique.


2. L'éducation de l'enfant

L'éducation de l'enfant dans l'univers tsigane n'est pas homogène, mais de façon générale il y a une tendance similaire dans toutes les familles, qui est le fait que l'enfant est d'abord un apport à l'identité collective, à l'identité des parents. L'homme et la femme sont reconnus dans le groupe à partir du moment où ils mettent au monde des enfants, et en nombre. Quand l'enfant vient au monde, il est alimenté à la demande. Ils considèrent comme intolérable le fait que le tout petit puisse pleurer et on lui accorde donc beaucoup d'attention.


3. La problématique de la scolarisation

L'Union européenne a porté une attention très soutenue à la problématique de la scolarisation des enfants tsiganes. Il y a également de nombreux ministères et des associations qui se penchent sur ce problème. L'éducation primaire est acquise, mais le problème se pose dans la scolarisation secondaire. La réalité du rapport à l’école des familles tsiganes est également multiforme : il va de l’opposition totale (fondée sur la défense des « valeurs morales » que l’école ne garantirait pas) à une adhésion complète, témoignant d’un désir de réussite fort pour les enfants (accompagné de la demande d’intégration en classe ordinaire). Entre ces deux extrêmes, on trouve les positions médianes : acceptation relative, car on se soumet à la pression sociale (mais dans ce cas, le moindre incident en milieu scolaire est prétexte au retrait de l’enfant), moyen terme par le biais d’une inscription au CNED, ou fréquentation du « bus scolaire » (formule qui ne s’adresse pas en priorité aux sédentaires).

Mais il est un point commun à tous les discours entendus : le constat d’une piètre réussite pour leurs enfants, et l’explication majoritaire par le manque d’intérêt de l’enseignant pour ces élèves. Il est vrai que l’absence de vrais modèles de réussite discrédite l’argumentaire selon lequel l’école est un atout. Pour ces publics, la réussite scolaire reste majoritairement un leurre : l’école représente un investissement énorme pour un bénéfice dérisoire, puisque malgré une scolarisation assez généralisée dans le primaire, peu d’enfants tsiganes parviennent à une maîtrise correcte de la lecture et de l’écriture.

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